lundi 7 février 2011

En guise de conclusion…


Devenir locavore, décision personnelle sans engagement écrit de votre part, sans aucun contrôle ni cotisation à payer, c’est prendre son avenir en main, c’est accepter de se préoccuper de la santé de nos enfants, c’est devenir responsable et acteur de l’avenir du monde, c’est pousser, indiscutablement, les grosses entreprises agroalimentaires à changer de méthodes, à plus respecter les producteurs et les consommateurs !

C’est aussi prendre part à la protection de la biodiversité en sauvant quelques cultures locales, ici ou là, mises en danger par des produits plus rentables venant parfois de très loin…

Dans tous les cas, c’est une proposition qui mérite d’être étudiée et tenter l’expérience ne présente aucun risque. Alors, pourquoi pas ! 

Le locavore concret 4/4


La première chose à faire est de commencer modeste : plus c’est simple et peu contraignant et plus on a des chances d’y arriver.

Commencer par prendre l’habitude de regarder d’où viennent les produits que vous avez l’habitude de manger. Toux ceux qui viennent de votre région ne doivent pas vous poser de problème au départ. La région administrative peut vous aider à y voir clair, mais rapidement essayez de faire un cercle de 150 kilomètres autour de chez vous et repérez les produits qui viennent d’ailleurs. Ce sont bien eux qu’il va falloir traquer progressivement, soit en les remplaçant par des produits identiques venant de plus près, soit en trouvant des équivalents alimentaires : un fruit local est toujours meilleur qu’un autre provenant d’outre océan…

Le second point, surtout quand vous arrivez dans une région que vous ne connaissez pas bien, est de vous documenter sur les spécialités, traditions et cultures locales. Le locavore ne peut pas faire l’impasse sur les bienfaits alimentaires et gastronomiques d’une région. Je reconnais que je suis un locavore bienheureux vivant dans une région riche qui m’offre la volaille de Bresse, le bœuf du Charollais, les fromages du Mâconnais, de Bresse et de Bourgogne, enfin, qui me permet de boire, avec modération, les vins de la côte chalonnaise ! Tout le monde n’a pas ce bonheur, mais reconnaissons que dans notre pays nous sommes toujours à moins de 150 kilomètres d’une richesse gastronomique insoupçonnable !

Pour ceux qui veulent aller plus loin, ils peuvent calculer le coût réel du transport des produits arrivant dans leur assiette. Voici quelques éléments concrets par kilomètre parcourus, par kilogramme :
-       4,7 MJ (méga-joules) pour un camion transportant 16 tonnes
-       2,3 MJ pour un camion transportant 40 tonnes
-       0,12 MJ par bateau
-       4500 MJ pour le décollage de l’avion
-       10 MJ pour le trajet en avion
-       4500 MJ pour l’atterrissage de l’avion

Comme on ne peut pas faire de calcul en permanence, on peut retenir les éléments suivants.

Des aspects plus complexes 3/4


Favoriser un comportement « locavore » peut avoir des conséquences sur deux domaines généralement passés sous silence et pourtant pas sans conséquences sur l’avenir de la planète : l’agriculture intensive et la consommation d’eau sans maîtrise.

Si nous importons beaucoup, par exemple pour avoir certains fruits toute l’année, cela pousse certains paysans ou entreprises agroalimentaires à mener des exploitations agricoles vers les cadences infernales. On ne parle pas, ici, des conditions de vie et de travail des agriculteurs –le sujet serait pertinent aussi – mais bien de ce que la terre va vivre : l’agriculture intensive use la terre et, pour garder des rendements économiquement acceptables, il faudra utiliser de plus en plus d’engrais et autres produits chimiques. Ce système n’est donc bon ni pour la santé humaine ni pour l’avenir de la terre.

Le deuxième volet de ce système d’agriculture tournée vers l’exportation, est de mettre en danger une région au regard de ses réserves en eau. Une exploitation agricole a des besoins en eau, certains fruits et légumes étant même de gros consommateurs. Si je délocalise la fabrication de certains des produits que je consomme, j’affaiblis les réserves en eau de ces régions tout en profitant des produits finis. Pour peu que les producteurs soient sous payés par rapport au travail fourni, ce qui est souvent le cas en dehors des comportements spécifiques « équitables », il y a une double pénalisation des ouvriers agricoles. Certaines céréales ont besoin d’eau en grande quantité : maïs, blé, soja, riz… et elles composent une partie importante de l’alimentation humaine. A titre d’exemple, la Thaïlande utilise un quart de son eau disponible pour des cultures qu’elle exporte ! Que se passera-t-il demain quand l’eau manquera ? On laissera mourir les Thaïlandais ou on leur vendra à prix d’or des bouteilles d’eau ?

De bonnes raisons 2/4


La première des raisons de ce mouvement prend ses sources dans les gros scandales alimentaires qui ont marqué notre époque. Rechercher ses aliments dans un univers que l’on connaît, que l’on fréquente, c’est se donner les moyens de choisir des agriculteurs qui respectent la nature, leur art et leurs clients. C’est une façon d’établir une relation de confiance entre ceux qui « fabriquent » l’aliment et ceux qui le consomment ! C’est donc indiscutablement une recherche qualitative. Ce qui est bon pour ma santé prend le dessus sur le goût exotique, la recherche de l’originalité, la surprise gustative… Dans ce cadre, il n’est pas étonnant de voir les consommateurs locavore se tourner prioritairement vers des labels bio même si ce n’est pas systématique : un agriculteur que je connais, qui n’utilise que des méthodes traditionnelles, qui s’abstient de répandre des pesticides et autres produits chimiques dangereux mérite mon attention même si sa priorité n’est pas dans la certification bio !

Le deuxième aspect réside dans la localisation du travail, dans une vision du commerce équitable adapté à la proximité. Depuis que la notion du commerce équitable s’est développée dans notre pays, un certain nombre de consommateurs ont compris, même s’ils ne sont pas tous précipités sur les produits concernés, qu’il fallait respecter les producteurs, les payer un prix raisonnable et leur donner les moyens de faire leur métier dans la dignité et l’honneur. C’est à ce prix-là que l’on pouvait avoir de la qualité de façon durable. Mais pourquoi limiter ce comportement d’acheteur responsable aux produits venant du Sud ? Pourquoi laisser nos agriculteurs locaux, ceux que l’on fréquentait, se débattre dans des conditions dramatiques ? Un agriculteur qui perd de l’argent tous les jours en tentant de produire à manger, sur une planète où tout le monde ne mange pas à sa faim, ne mérite-t-il pas autant d’attention qu’un petit producteur de café d’Amérique Centrale ? Le locavore est donc aussi quelqu’un – je dirai bien un citoyen responsable – qui consomme « équitable » avec les producteurs de sa région !

Enfin, le locavore est aussi un consommateur développement durable puisqu’il va mettre tout en œuvre pour diminuer les transports parasites de ses aliments. Il ne se contente pas de prendre au plus près de chez lui, il gère aussi avec beaucoup d’attention le transport de ces dits aliments : déplacement d’un producteur vers le lieu de distribution positionné de telle façon que les consommateurs puissent venir à pied, covoiturage quand il faut se déplacer, regroupement des achats pour être plus efficace…

Enfin, dans le registre santé, la philosophie des locavores est de retrouver des aliments naturels, sans conservateurs ou autres adjuvants pour le goût ou la couleur, bref de s’offrir une alimentation naturelle. Si je mange un légume de saison je n’ai plus besoin qu’il soit traité pour tenir longtemps sans perdre son bel aspect visuel. Si ma viande a été abattue aujourd’hui je n’ai plus à me soucier de savoir si elle est fraîche ! Si mon vin vient d’une exploitation n’utilisant aucun produit chimique, je ne fais plus d’allergies intempestives…

Un mot qui traverse l’Atlantique 1/4


Ce n’est pas, d’ailleurs, parce que le nom vient de loin qu’il n’a rien à voir avec notre culture. En effet, le locavore est tout simplement celui qui prend la décision de ne plus s’alimenter qu’avec des aliments locaux. Cela n’a rien d’exceptionnel, l’agriculture vivrière mettait bien ce principe en application : je cultive, l’élève et je transforme ce que je vais manger, ce dont j’ai besoin pour mon alimentation familiale. Dans un monde où il n’est plus possible d’échapper au mouton de Nouvelle Zélande, à l’ananas de Côte d’Ivoire, au pamplemousse d’Israël, aux crevettes du Brésil ou d’Equateur, au vin d’Afrique du Sud ou du Chili… il s’agit, dans un premier temps de s’approvisionner autour de chez soi…

Pas sectaire pour autant, le locavore équilibré accepte de garder certains produits venant de loin. Il ne s’agit pas de remplacer le café par des racines locales sans goût, mais bien de limiter aux marges ces produits venant de loin. Fruits et légumes de saisons, cultivés au plus près, sont à privilégier, sans oublier l’élevage du coin, la vigne des alentours, les poissons péchés ici et là, à deux pas de chez nous.

Locavores introduction


Roland Barthe disait en son temps que les mots pouvaient enfermer d’une façon encore bien plus cruelle que la prison. De fait, aujourd’hui, les mots font bien souvent peur. On craint qu’ils cachent contrainte et privation de liberté. Du coup, tout devient suspect. Nous voulons nous renfermer sur nous-mêmes, nous isoler des autres. Par effet boomerang, chaque fois que l’on parle de recentrage, de racines à retrouver, de sources locales à privilégier, on nous accuse de tous les noms… et pourtant, il peut s’agir du bon sens retrouvé !

Jadis, l’homme cherchait à se nourrir au plus près. Il chassait et cueillait, pour ce qui fut sa première source d’alimentation, à deux pas de sa grotte. Les fruits et légumes étaient bien de saison, sa viande était de proximité et fraîche, du moins le premier jour. Certes, l’histoire de l’humanité allait donner la possibilité de voir un peu plus loin et les moyens de transports permirent de manger des produits venant d’ailleurs, ce qui, reconnaissons-le, permettait des découvertes culinaires de premier ordre.

L’homme a ainsi varié son alimentation et bénéficié des apports de toute la planète. On parle de mondialisation, mot à la mode quand il n’a pas un goût d’injure ou de grossièreté, et la gastronomie est bien devenue mondiale. Que serait notre chère gastronomie française, inscrite récemment au patrimoine de l’humanité, si nous n’avions pas les épices du monde, les influences du Maghreb, les aigres-doux chinois, les saveurs créoles… ? Oui, nous nous sommes enrichis au gré du temps de tout ce que l’homme avait construit de son côté, sur ses terres, avec les siens.

Mais, aujourd’hui, les choses ont un peu changé. Pour faire des «économies» on trouve dans notre assiette des pommes – ce n’est qu’un exemple – qui ont pris le bateau ou l’avion, qui ont réalisé le tour du monde ou presque, alors que dans le verger voisin quelques pommes ont pourri au pied de leur arbre dans l’indifférence totale ! Pire, à travers le monde, des familles vivent dans le désarroi ne trouvant pas assez à  manger alors qu’elles travaillent, y compris les enfants dans certains cas, dans une coopérative qui vient d’exporter des tonnes de fruits vers notre pays ! Enfin, au moment où l’avenir de la planète préoccupe et que nous sommes capables de faire le lien entre les émissions de carbone et les modifications climatologiques, il serait bon de s’interroger sur certains transports alimentaires que l’on pourrait qualifier de superflus ou luxueux…

C’est dans ce cadre-là, qu’un nouveau mot est arrivé : le locavore ! Bête rare ou dangereuse, secte ou parti politique, idéaliste ou doux rêveur, toutes les interrogations sont légitimes ! Nous allons tenter, ensemble, d’y voir plus clair et comprendre comment le bon sens peut retrouver une place dans notre société de consommation…

Quel commerce équitable pour demain

Corinne Gendron, Arturo Palma Torrès et Véronique Bisaillon



Le commerce équitable ! Qu’est-ce que c’est ? A quoi ça sert ? Est-ce que ça fonctionne ? Est-ce un piège de plus que les commerciaux nous tendent pour nous faire dépenser plus ?

Le commerce équitable est un concept pratique et bien réel qui fonctionne depuis des années, mais comme les choses manquent un peu de clarté, de transparence et d’équité commerciale, le gouvernement a décidé de mettre en place une commission nationale du commerce équitable. Vous allez me dire que c’est la meilleure façon d’enterrer le commerce équitable et de là le faire disparaître… Oui, c’est un risque, mais c’est loin d’être une certitude car sous la pression de tous les acteurs du domaine, la commission a été obligé d’intégrer un grand nombre de personnes qui n’ont aucun intérêt à exécuter définitivement le commerce équitable.

D’ailleurs, certains paysans producteurs de lait viennent de mettre en place un commerce équitable du lait. Ce lait équitable pose question d’ailleurs. Est-ce bien logique d’utiliser le même mot alors que le commerce équitable, jusqu’à maintenant ne recouvrait que des échanges Sud-Nord ?

Pour répondre à ces questions, du moins pour vous donner la possibilité de vous construire votre propre opinion, je vous invite à lire « Quel commerce équitable pour demain ? ». Les auteurs, acteurs du commerce équitable et chercheurs spécialisés de l’université du Québec, nous apportent une multitude de renseignements sur ce fameux commerce équitable. Commençons par la définition la plus généralement utilisée : le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud.

On mesure bien qu’au départ ce sont les producteurs du Sud qu’il convenait d’aider, mais rien n’interdirait, un jour, d’aider les producteurs du Nord ! Les producteurs de lait européens, français en particulier, sont-ils, aujourd’hui, marginalisés, en danger, exploités par les distributeurs et acteurs des grosses entreprises agro-alimentaires ? En fonction de la réponse, il conviendrait certainement de créer un commerce équitable des produits laitiers en France…
En attendant, toujours pour avancer dans cette compréhension du commerce équitable retenons quelques mots clefs, incontournables : commerce direct, juste prix, engagement à long terme, accès au crédit, organisation transparente et démocratique, protection de l’environnement et développement local et communautaire…

Cela peut vous sembler, une fois de plus, quelque peu utopique, mais l’avenir du monde est à ce prix… Vous en serez convaincus après la lecture de cet ouvrage : Quel commerce équitable pour demain de Corinne Gendron, Arturo Palma Torrès et Véronique Bisaillon, ouvrage publié aux éditions Ecosociété.